Bonjour et bienvenue

« Si je ne suis pour moi, qui le sera ?
Et si je ne suis que pour moi, qui suis-je ?
Et si pas maintenant, alors quand
? »

(Hillel, Les Maximes des Pères)

Alors voici ce blog. Pour moi. Pour toi, lecteur. Pour ici, et maintenant.


mardi 21 avril 2015

La Gestation pour Autrui. Et pourquoi pas? Et pourquoi pas moi?


Chers amis,

 Aujourd'hui je souhaite aborder un sujet délicat : la Gestation pour autrui (GPA). Je sais à quel point ce sujet cristallise un certain nombre de craintes liées à la conception actuelle et future de la famille. Et pourtant, je vais l'aborder en vous expliquant pourquoi personnellement j'y suis favorable et dans quelles conditions. Plus encore, je tenterai d'analyser pourquoi je suis moi-même tentée de porter un enfant pour autrui. Cette analyse je la mène d'abord pour moi. Je la diffuse ici afin qu'elle puisse enrichir le débat, afin de constituer une base de discussion. Vos réactions, du moment qu'elles sont bienveillantes et constructives, sont tout à fait bienvenues.

 J'aimerais d'abord placer quelques repères dans ma réflexion. De confession juive, j'ai été bercée dans mon enfance par le récit de la Genèse. Notre Sainte Bible (pour au moins trois grandes religions monothéistes) est un ouvrage pragmatique. Nos Pères, nos Patriarches, vivent certaines expériences et émotions d'une humaine banalité. L'amour, la jalousie, l'arrogance, la colère... Mais aussi l'infertilité. La transmission étant au cœur du message monothéiste, l'infertilité ou l'impossibilité de concevoir pour transmettre appelle une réponse.

Ainsi Abraham prend-il - à la demande de sa femme Sarah - pour maîtresse Agar, l'Egyptienne. De même, Jacob s'accouple-t-il avec les servantes de Rachel (Bilha) et de Léa (Zilpa). La Genèse est marquée par ces GPA complètes (Léa et Rachel élèvent les 12 enfants de Jacob comme étant les leurs) et incomplètes (Abraham ne peut, à la demande de Sarah, élever Ismael aux côtéss d'Isaac...)

Or, derrière les arguments des anti-GPA, on entend trop souvent l'idée qu'on voudrait créer ex nihilo une conception nouvelle, délirante, contre-nature de la famille. Aussi j'invite les personnes qui avancent de tels arguments à considérer la Sainte Bible comme un brûlot révolutionnaire et anarchiste!

Je pourrais traiter de la même manière le sujet de l'adoption (inhérent a la démarche de GPA), en citant les exemples de Jonathan, adopté par le roi David. L'exemple prend une dimension encore plus frappante (car relevant d'une transmission intensément spirituelle et mystique) dans l'itinéraire de certains prophètes, je pense en particulier à l'adoption d'Elisée par Élie.

En somme, la Bible est le premier ouvrage à pointer du doigt l'existence de liens du cœur parfois infiniment plus puissants que ceux du sang.

 
Revenons au 21ème siècle, revenons à ma démarche. Je suis une personne adoptée. Je ne peux écrire "enfant adoptée", puisque je l'ai été officiellement à l'âge de 31 ans. Mon histoire est quelconque : des parents divorcés lorsque j'avais 6 ans (ils vivent séparés depuis que j ai 4 ans). Un beau-père généreux et aimant, qui nous a toujours considéré comme ses enfants, sans jamais exiger de nous de réciprocité. Il assume tout ce qu'un père assume (les nuits blanches lorsque nous sommes malades, les heures d'angoisse avant et après les examens et les concours...)
A la mort du père biologique, il nous propose (à mon frère et moi) de manière ouverte et détachée (le refus était facile) l'aventure de l'adoption. Mon ressenti? Le statut nouvellement acquis reflète enfin la réalité des 25 années qui ont précédé :des liens du cœur plus puissants que ceux du sang

Alors je suis prête, moi adulte adoptée, à envisager cela. L'envisager intellectuellement, physiquement. Je suis prête aujourd'hui à imaginer qu'un enfant né de mes entrailles, a fortiori s'il a été conçu après mure réflexion - idéalement dans un cadre adapte (suivi psychologique, sociologique, médical) - puisse grandir au sein d'un foyer dont le noyau est un couple ne pouvant concevoir - fussè-t-il de même sexe.

Que celui qui ne s'est jamais senti impuissant en écoutant un couple en mal d'enfants me jette la première pierre...

Alors je veux croire qu'en matière de GPA, nous pouvons dépasser le schéma trop souvent évoqué de consommation , de consumérisme appliqué à la parentalité, de marchandisation des âmes et des corps.

Je veux croire que l'on puisse envisager l'existence de filiations basées sur la transmission.  Une transmission comparable à celle de l'Alliance, qui s'affranchit des liens du sang, pour replacer au centre le sens (pourquoi avoir des enfants?), l'amour et l'éducation.

Ces propos peuvent faire sourire, être considérés comme des élucubrations d'une jeune personne idéaliste, célibataire et en mal d'enfants, qui se construit de toutes pièces une justification pour concevoir un enfant. Or il en est tout autrement.

Ces propos peuvent soulever des remarques pertinentes, quoique teintées de scepticisme. Ainsi seule une femme qui n'aurait pas porté d'enfant durant 9 mois, qui n'aurait pas vibré jour et nuit au diapason d'un fœtus, qui n'aurait pas vécu ce moment d'intense angoisse et bonheur qu'est l'accouchement... Pourrait envisager de "transmettre" un enfant. Or il en est tout autrement.

 

Pourquoi s'offusquer de ce que quelques couples ne pouvant concevoir s'appuient sur nous - car étant mariée, cette décision est prise conjointement avec mon époux - pour devenir parents?

Pourquoi s'offusquer que mon mari et moi, parents de trois enfants, cadres supérieurs menant de belles carrières, ayons envie de donner la vie, au sens littéral?

Notre engagement est un don, il n'est point question de vendre le fruit de mes entrailles.
Notre engagement n'a d'autres leviers que la générosité et l'envie de transmettre.
Notre engagement est une proposition pour que puissent naître des enfants dont la venue a été précédée d'une réflexion immensément nécessaire.

D'ailleurs, il serait opportun - mais là n'est pas le sujet - que ne puissent naître que des enfants dont la venue a été précédée de cette réflexion.

Pourquoi pointer du doigt la parentalité réfléchie et "aidée" (par des couples et des familles comme la notre)?
Pourquoi refuser à ces couples infertiles de fonder un foyer?

Et ce alors que naissent chaque jour des dizaines enfants (d'unions naturelles), dans des familles n'ayant pas désiré ni prévu ces enfants.
Dans des famille n'ayant pas les moyens (affectifs, financiers) ni l'envie de donner le meilleur à ces enfants
Dans des familles déjà amputées de moitié (le papa est parti des qu'il a su, ou pendant la grossesse ou après la naissance)
Dans des familles où la réflexion et l'anticipation (quelle décision prendre si l'enfant est atteint de maladie, d'anomalie) faisant défaut, la famille a tôt fait de voler en éclats.

 
La monoparentalité ne choque point (elle concerne quelques millions de foyers), bien qu'occasionnant des difficultés majeures notamment pour l'équilibre des enfants (je peux témoigner puisque j'en ai moi-même fait les frais). Si  l'intérêt supérieur de l'enfant doit primer, alors la monoparentalité - bien que souvent la moins pire des solutions - n'est pas optimale. Elle ne permet pas à l'enfant d'avoir deux parents s'aimant et aimant, qui se passent le relais dans l'éducation des enfants et dans la direction du foyer. Elle n'est pas en soi un gage d'équilibre et d'harmonie.

La monoparentalité  ne choque point, malgré tout cela, car elle est le fruit d'une procréation dite naturelle.

En revanche, la parentalité de quelques milliers de couples infertiles, qui souhaitent chérir un enfant depuis longtemps désiré, un enfant qui aura la chance d'etre aimé, choyé, éduqué, accompagné et guidé par un couple stable, harmonieux et équilibré...

Est choquante?

 

Mais quelle est donc cette société qui fait primer l'animalité de la parentalité sur l'intérêt supérieur de l'enfant?

Quelle est donc cette société qui refuse à certains le bonheur que d'aucuns ne peuvent ni ne veulent apprécier?

Quelle est donc cette société qui ferme les yeux sur l'existence d'une filiation, vieille comme le Monde, qui permet une transmission en s'affranchissent des liens du sang?

 

 

2 commentaires:

  1. Bon, encore une fois, ma position ne va pas te sembler très originale (mon mot d'ordre est "chacun fait ce qu'il veut de ses fesses tant que 1) tout le monde est consentant 2) ça ne fait de mal à personne et 3) on n'essaie pas de me convertir")
    Et là, mes 3 points sont respectés :
    1) personne ne vole d'enfant à personne, les parents biologiques (géniteur? je n'aime pas la manière dont ce mot a été dévalorisé, mais le fait d'utiliser le mot "parent", même biologique, me gêne parce que les parents sont ceux qui éduquent l'enfant, qui se lèvent à 2h du matin la tête dans le pâté donner un biberon (et même le sein, c'est possible même pour un enfant adopté), pas ceux qui fournissent les gènes ou sont juste le vaisseau qui permet à l'enfant d'arriver dans son foyer) sont volontaires, les parents sont volontaires, pas de souci pour moi. Là, on peut m'objecter que l'enfant n'est pas consentant, et j'ai envie de dire, comme tous les enfants qui naissent

    2) Personne n'est blessé. J'ai du mal à croire qu'un enfant qui naît, désiré de ses parents, puisse partir avec un handicap. Tant que l'enfant est au courant de ses origines (et bon, surtout pour un couple d'hommes homos, je ne vois pas comment ça pourrait être un secret), et qu'il est éduqué dans l'amour... Ca peut être une source de soucis à l'école, tout comme avoir des lunettes, être le premier ou le dernier, être blond, brun, roux, à la peau plus ou moins blanche, ou je ne sais quoi... vu qu'on sort tous de la norme d'une manière ou d'une autre. Et bon, comme tu le dis, dans ce cas, interdisons les familles monoparentales, les enfants uniques, les familles trop nombreuses, les enfants de couples mixtes, tout ceux qui ne sont pas une famille de 4 (deux parents biologiques mariés, un garçon et une fille) vivant dans un pavillon avec un labrador doré avec deux parents équilibrés ayant une formation en psychologie et de bons moyens financiers.

    3) Personne n'essaie de me convertir. C'est un peu ce qui me choque le plus, en fait, de la part de ceux que ça agace. Personne ne leur a demandé de porter ces enfants ou de n'avoir que des enfants issus de GPA, ou alors j'ai raté ce passage. Et je ne dois pas décider de ce que font les autres en fonction de ce que je suis capable de faire moi-même.
    Pour moi, la parentalité ne passe pas par les liens du sang. J'ai connu des enfants adoptés plus "enfants" de leurs parents que certains enfants biologique. Si la vie devait agrandir ma famille d'un enfant qui ne viendrait pas de mon ventre, il sera accueilli comme les autres. Maintenant, moi, je ne serai pas capable de ne pas être la mère du locataire de mon ventre et de le donner à ses vrais parents. Je pourrais donner des ovules sans souci, mais pas l'enfant, ou alors dans des circonstances très spécifiques (si un membre de ma famille, bio ou de coeur, n'avait pas pu avoir d'enfant autrement, peut-être). Mais si d'autres arrivent de faire preuve de cette distance que je ne peux avoir, de quel droit je m'opposerai?

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    1. :)

      je te reconnais bien là, dans ton ouverture et ta générosité

      Tes arguments me rappellent ceux du mariage pour tous, qui a tant fait couler d'encre...

      Il n'était pas questions d'empêcher les hétéros de se marier (1), ni de les blesser (2), ni de les rendre homos (3)
      Et pourtant, ce mariage pour tous leur est resté en travers de la gorge.

      J'essaie d'être à l'écoute. Et je comprends que certains considèrent que nous nous avons voulu mettre fin à une conception "sacrée" de la famille.

      Tiens, c'est marrant, on rejoint - une nouvelle fois, mais de plus loin - le droit au blasphème...

      Il y a des schémas dont il est difficile de s'affranchir. Et pour citer un ami que j'adore :
      "L'essentiel est dans la rupture avec la filiation biologique. Je dirais que la rupture avec le père est consommé dans l'esprit des gens, mais l'image d'une mère d'adoption qui ne soit pas la mère biologique continue à choquer. Quelque part, on attaque de front l'image de la femme/mère, que les gens sacralisent. Tout comme on ne laisserait pas tranquille une femme qui ne souhaite pas avoir des enfants"

      Tout est dit, merci B.

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